Rage de Dents (ATTENTION SPOILER !!! ) :

 

Je sentais que j’allais terriblement m’amuser.

À peine cinq minutes après qu’Elliot eut repris connaissance, Lukas et lui voulaient déjà se sauter à la gorge. Quant à moi, je les aurais volontiers décapités tous les deux. J’avais l’impression d’être dans une garderie, sauf qu’à la place de se taper dessus avec des jouets, ils auraient préféré des armes de poing. J’avais été très claire. Personne n’avait le droit de frapper personne, et je souhaitais une conversation civilisée. Malheureusement, ils ne m’avaient pas vraiment écoutée, ni même entendue.

— Je crois que ton ami ne comprend pas bien la situation dans laquelle il se trouve, dit Lukas fort peu sympathiquement.

Il avait prononcé le mot « ami » avec autant de gentillesse qu’il avait mis dans les « humains » de tout à l’heure, et sa définition de courtois n’englobait que le choix des mots.

— Et je crois que ton ami n’a pas compris qu’il ne me fait pas peur, rétorqua Elliot.

— Dis à ton ami qu’il devrait.

Et sur ces menaces, il planta ses yeux dans ceux d’Elliot, tous crocs dehors, avec un sourire entendu.

— Ça suffit, criai-je en levant les bras en signe de trêve. Je ne vais pas vous servir d’intermédiaire et j’ai aucune envie de faire du baby-sitting actuellement, alors si vous pouviez vous coincer votre machisme entre les jambes, ça me ferait vraiment plaisir.

Lukas continua à observer Elliot sans ciller.

— Dès que ton ami aura compris où est sa place, répondit-il.

— Dis à ton ami d’arrêter de me traiter comme un chien.

— Alors arrête de branler de la queue devant elle, siffla Lukas en me pointant du pouce.

— Ça suffit !

Cette fois-ci, j’avais hurlé. Mais aucun des deux ne semblait m’avoir entendue pour autant. Debout chacun à un bout de la pièce, ils se faisaient face, dents serrées. J’étais comme prisonnière de la tension énorme qu’ils dégageaient, et la migraine commençait à poindre. J’avais sommeil, j’en avais marre, et une partie de moi rêvait déjà de filer dans ma chambre pour les laisser régler ça. Sauf qu’Elliot n’aurait aucune chance, et je me sentais responsable.

— Je crois que t’as pas bien entendu quand je disais que je n’avais pas peur de toi, grogna Elliot en faisant un pas en direction de Lukas.

Vive le machisme.

— Non, j’avais bien entendu, répondit Lukas. Mais j’étais trop occupé à repenser à la manière dont tu t’es évanoui en voyant une goutte de sang.

Il fit également un pas en avant. Je n’allais plus tarder à être prise en sandwich entre les feux ennemis.

— Tu vas payer pour ça et pour ce que tu as fait à Maeve, grogna Elliot en s’élançant en avant.

— Ça tombe bien, j’ai comme un petit creux, répondit Lukas d’un ton mielleux.

Et ils chargèrent. Comme escompté, je fus prise en otage par l’impact imminent. Je réussis tant bien que mal à m’interposer et à les tenir chacun à distance avant de crier de toutes mes forces.

— Assez !

Mes cordes vocales survécurent à peine à l’effort qu’elles venaient de faire, mais j’avais de quoi être fière de moi. J’avais fait trembler les murs, et j’étais également parvenue à obtenir l’attention des deux imbéciles qui m’entouraient. Heureusement qu’il n’y avait pas de voisins.

Je pivotai vers Lukas.

— Si tu touches à un seul de ses cheveux, je te réduis en cendres. Il me semblait déjà que c’était clair. Alors cesse de le provoquer pour qu’il t’attaque.

Je me tournai ensuite vers Elliot, pour me heurter à l’expression victorieuse qui avait gagné son visage.

— Et toi tu peux arrêter de sourire comme un con. Si tu continues comme ça, je te tue moi-même.

J’avais parlé assez fermement pour que ledit sourire quitte instantanément ses lèvres. Bon point pour moi.

— Maintenant, tu vas t’asseoir sur le canapé. Et toi, à la cuisine, dis-je à Lukas.

Elliot prit place sur le divan, comme ordonné, mais Lukas ne bougea pas. Je lui lançai un regard hargneux, et il finit par s’installer sur un des tabourets du bar. Avec cinq mètres de distance entre les deux, j’aurais peut-être un peu de répit.

Je me tournai vers Elliot.

— Lukas ne m’a rien fait, lui dis-je calmement.

— À part te transformer en vampire ? J’ai su que quelque chose clochait avec lui à la minute où je l’ai vu !

Lukas ricana sombrement.

— Il est juste jaloux parce que j’ai réussi à avoir la fille qu’il voulait, répondit-il avec un petit ton supérieur, tandis qu’il se curait les ongles.

Mais c’est pas possible, pensai-je. Près de trois siècles d’évolution pour parvenir à ça ! Et après on se demande pourquoi les dinosaures ont disparu ?

Elliot se tendit. Moi-même, j’étais crispée. Lukas venait clairement de lui dire que nous avions couché ensemble et je n’avais aucune envie qu’Elliot l’apprenne. Bien sûr, il n’était pas totalement con, il nous avait vus nous embrasser, mais quand même. J’évitai son regard, et reportai mon attention sur une étagère.

— Je l’ai eue bien avant toi, pauvre con, rétorqua froidement Elliot.

Et merde, pestai-je intérieurement. Je ne voulais pas non plus que Lukas sache ça. Non seulement ça lui donnait raison pour toutes ses remarques déplacées sur Elliot, mais en plus, ça n’allait pas du tout lui plaire. Et je n’avais pas envie de le voir plus énervé qu’il n’était déjà.

Lukas arqua un sourcil intéressé, sans pour autant tourner la tête.

— Visiblement, la dame n’a pas dû apprécier tes services, sinon tu l’aurais encore, fit-il d’un ton détaché.

Il avait mieux réagi que ce que j’avais escompté. Par contre, je ne pouvais pas en dire autant d’Elliot, qui avait viré au rouge.

— Je vais te tuer ! hurla Elliot en se levant pour charger Lukas.

— Je voudrais bien voir ça, lâcha ce dernier de manière désintéressée, sans broncher.

Grands dieux, je n’étais pas sortie de l’auberge.

Elliot attaqua, poings en avant, résolu à passer tout droit à côté de moi pour atteindre Lukas. Il ne me remarquait même pas. Franchement, pourquoi est-ce qu’un des deux aurait fait attention à moi ? Je n’étais qu’un détail dans la guerre machiste qui les opposait.

Un bon coup du droit dans la face, et Elliot se retrouva à terre. Il porta aussitôt les deux mains à son visage, qui commençait à ruisseler de sang.

— Tu m’as frappé ! geignit-il.

Lukas ricana.

— Et encore, elle y est allée mollo, lui répondit-il. J’espère que tu sais où est ta place à présent, gentil chien-chien.

Sans même réfléchir, je me retournai et mis le même coup dans le nez de Lukas. Mais nettement, nettement plus fort. Après tout, il allait guérir directement, lui.

Elliot rigola et manqua de s’étouffer en respirant le liquide qui s’écoulait de ses narines.

— J’ai votre attention, maintenant ? demandai-je froidement.

 

 

 

Rage de dent

Tome 1 de Maeve Regan

Marika Gallman


Vampire
Vampire