L'origine :

 

« Il referma les yeux et prit une profonde inspiration. Elle sentit l’odeur musquée de sa colère à présent, bien que ses épaules aient semblé toujours détendues.

— Puis-je faire quelque chose pour vous aider ? demanda-t-elle calmement comme il restait muet. Voulez-vous que je parte, que je fasse la conversation, ou que je mette de la musique ?

Elle n’avait pas la télévision, mais elle avait toujours sa vieille chaîne hi-fi.

Il garda les yeux fermés, mais il afficha un sourire, une simple torsion des lèvres.

— D’habitude, mon contrôle est meilleur que cela.

Elle attendit mais la situation semblait empirer.

Il ouvrit brusquement les yeux et son regard jaune glacial la plaqua contre le mur auquel elle était adossée tandis qu’il traversait la pièce pour s’approcher d’elle.

Son pouls se mit à battre la chamade et elle baissa la tête, se recroquevillant pour se faire toute petite. Elle le sentit plus qu’elle ne le vit s’accroupir devant elle. Quand il lui prit le visage entre les mains, elles étaient si chaudes qu’elle tressaillit… ce qu’elle regretta en l'entendant gronder.

Il tomba à genoux, frotta son nez contre son cou, puis colla son corps désormais tendu comme un câble contre le sien, la coinçant entre le mur et lui. Il lui plaqua les mains au mur, de chaque côté du visage, puis s’immobilisa. Son souffle était chaud contre son cou.

Elle se tenait aussi tranquille que possible, terrifiée à l’idée de faire quoi que ce soit qui pourrait briser son contrôle. Mais quelque chose en lui l’empêchait d’être totalement effrayée, quelque chose lui répétait avec insistance qu’il ne lui ferait pas de mal. Qu’il ne lui ferait jamais de mal.

C’était stupide. Tous les dominants faisaient du mal à leurs inférieurs. On le lui avait inculqué plus d’une fois. Son habileté à guérir rapidement ne rendait pas les blessures agréables pour autant. Mais elle avait beau se répéter qu’il était à craindre, lui, un dominant parmi les dominants, un homme étrange qu’elle venait tout juste de rencontrer la nuit dernière (ou, plus précisément, très tôt ce matin), elle n’y arrivait pas.

S’il dégageait une odeur de colère, il sentait aussi la pluie printanière, le loup et l’homme.

Elle ferma les yeux et arrêta de se débattre, laissant la douce intensité de son odeur emporter la peur et la rage éveillées par le récit de sa pire aventure.

À l’instant où elle se détendit, il fit de même. Ses muscles raidis se dénouèrent et il fit glisser ses bras le long du mur pour les poser doucement sur les épaules d’Anna plutôt que de l’emprisonner.

Il finit par s’écarter lentement mais resta accroupi de sorte que son visage soit juste un peu plus haut que le sien. Il posa le pouce sous son menton et lui releva la tête jusqu’à ce qu’elle contemple ses yeux sombres. Si elle pouvait regarder ces yeux pour le restant de ses jours, pensa-t-elle, elle serait heureuse. Cette idée l’effraya bien plus que sa colère.

— Est-ce que vous faites quelque chose de particulier pour que je me sente comme ça ?

Elle avait posé la question avant d’avoir eu le temps de se censurer.

Il ne lui demanda pas comment elle se sentait. Il lui inclina simplement la tête, un mouvement de loup, sans perdre le contact visuel, même s’il n’y avait pas le moindre défi dans son odeur. Elle eut même l’impression qu’il était aussi déconcerté qu’elle.

—Je ne crois pas. Pas volontairement, en tout cas.

Il prit son visage entre ses mains. Des mains larges, calleuses, imperceptiblement tremblantes. Il se pencha jusqu’à poser le menton sur le sommet de son crâne.

—Je n’avais jamais ressenti ça avant, moi non plus.

Il aurait pu rester là pour toujours, malgré l’inconfort de sa position, agenouillé sur le parquet. Il n’avait jamais rien senti de tel, certainement pas avec une femme qu’il connaissait depuis moins de vingt-quatre heures. Il ne savait pas comment gérer la situation, ne voulait pas la gérer, et contrairement à son habitude voulait retarder indéfiniment le moment de la gérer tant qu’il pouvait rester ainsi, son corps contre le sien. »

 L’origine

Alpha & Oméga

Patricia Briggs


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